Le John Frum de Tanna : un cargo cult particulier

L’île de Tanna a toujours cultivée sa différence, tout comme mais sans doute un peu plus que les autres îles du Vanuatu. Depuis les années 1930’, l’île est accompagnée par la culture et la croyance de John Frum. Pour comprendre le John Frum, il faut bien évidemment connaître le culte du cargo. Le culte de John Frum est un culte du cargo spécifique à l’île de Tanna.

Le John Frum en 2 mots
Le cargo cult de John Frum est une réponse religieuse et de mode de vie face à l’arrivée des blancs et d’un début d’occidentalisation de l’île. En fonction des époques du John Frum, résistance et enculturation se mélangent à des degrés divers.

Les fondements du John Frum
Comme partout en Mélanésie, les « man Tanna » (ou Tannais) croient en de nombreuses légendes et mythes transmis oralement depuis des générations se perdant dans les mémoires. Sur Tanna ces éléments de croyance s’appuient sur des géosymboles et la géographie de l’île, ses volcans…
L’île de Tanna a été découverte en 1774 par Cook. La colonisation et l’évangélisation au XIXème et XXème siècle vont même instaurer la Tanna Law, pour supprimer les croyances mélanésienne.
La résistance s’organise avant la deuxième guerre mondiale avec la mise en place d’une nouvelles Kastom un mouvement coutumier qui cherche à remettre en avant les principes nativistes traditionnels de Tanna. La coutume, dans les îles du Pacifique Sud et particulièrement en Mélanésie, est le terme qui regroupe la religion, les règles économiques, les arts… bref tous les éléments fondamentaux de la société traditionnelle.
L’origine du nom
C’est à ce moment là que prend naissance le John Frum. John Frum est peux être un pseudonyme. Ce personnage a probablement existé, un blanc américain arrivé un peu avant les autres, ou alors un GI qui fit quelques prédictions sur l’abondance matérielle qu’allait apporter les navires occidentaux.

Les apparitions, source d’enracinement du mythe
En effet ce sont surtout les « apparitions », quelques années plus tard, qui vont légitimer une première fois le John Frum aux yeux des tribus. Plusieurs chefs vont avoir des apparitions en rêve. Un mélanésien dénommé Mancheri, aurait aussi contribué à lancer le mouvement, en se faisant passer pour le dieu Kerapenmun sous le pseudonyme de John Frum. Il promit à cette occasion lors de son apparition sur le Mont Tukosmeru, la demeure de Kerapenmun, des « maisons, vêtements, nourriture et transports »

Vers la fin des temps…
L’eschatologie, le discours sur la fin des temps, est aussi présente au cœur du John Frum et dans tous les cargos cults. En effet pour ceux qui l’ont vu en rêve, la « pirogue de Tanna voguera vers le Salut ». C’est-à-dire précisément que sur Tanna l’abondance sera confirmée et couplée avec le retour des morts parmis les vivants. A ce titre un peu plus tard les adeptes de John Frum se mettront à croire à son retour un 15 février… Ce qui donnera des défilés de la Tanna Army tous les 15 février !
Quand les prédictions deviennent réalité
Le John Frum va décoller avec l’arrivée des américains en 1942 lors de la seconde guerre mondiale. Les prédictions se réalisent, et massivement ! Le mouvement va alors tourner en un pro américanisme idolâtrique. . Les kaoboe (cow boys) sont une source d’inspiration concrète pour le mouvement, tout comme le Christ et l’Esprit Saint apporte un complément divin. La croix devient un symbole fort, avec 2 couleurs le rouge et le noir, qui relie les plus traditionalistes du mouvement à ceux déjà davantage occidentalisés.

L’occidentalisation de Tanna favorisée par le John Frum
Le culte du cargo à la sauce Tanna va finalement faciliter l’enculturation des habitants de l’île en mettant en avant les « bienfaits » de l’occident. En effet le choc des cultures n’est pas mince ! Nous parlons ici de syncrétisme (mélange d’influences) et d’enculturation, l’île résistant quand même à l’acculturation.

Vers les déceptions de l’occident
Jusqu’aux années 1970’, le John Frum doit digérer toujours plus d’éléments occidentaux, religieux comme capitaliste, face à la tentation de survivance du traditionalisme. Le tourisme se retrouve ainsi par moment rejeté, puisqu’il est la source du maintien de beaucoup de blancs sur place. Tanna et Santo seront les 2 îles souhaitant rester françaises. Avant l’indépendance, le John Frum sera concerné, puisqu’il ira jusqu’à remettre en question les bienfaits américains jugés trop proche des anglais qui cherchait à se débarrasser du Vanuatu. Un français devint même temporairement roi de Tanna !
La fin des temps en 2001 comme relance du mouvement
L’interdiction du culte par les missionnaires ne l’empêcha donc pas de se développer. Après l’indépendance, le Vanuatu souffrit d’une crise économique et l’abondance se tari, poussant le le culte de John Frum à se tourner davantage vers la coutume traditionnelle mais aussi vers ses influences chrétienne. Le mouvement n’ayant à nouveau plus de courrant majoritaire suffisamment fort, un des principaux leaders, le charismatique Fred Nasse, va même jusqu’à prédire le fin des temps pour janvier 2001. Paris gagné au départ, grâce aux nombreux séismes avant cette période et la catastrophe du lac Siwi (au pied du Yasur) qui ne fit miraculeusement aucune victime.

Un mouvement essoufflé et en voie de radicalisation ?
La fin du monde ne venant pas, l’occident et son abondance ayant déçue, le John Frum se referme sur ses traditions coutumières et anti-occidentales, allant même jusqu’à soutenir pour certains Ben Laden et les musulmans dans leur défense de leur propre Kastom !

Sulphur Bay aujourd’hui
A Sulphur Bay, 300 personnes, vivent toujours aujourd’hui selon les rêgles du John Frum : pas de monnaie, travail collaboratif et pour la société… Les habitants se réunissent régulièrement à la « messe » pour rendre gloire à John Frum !